• Non, Joris Benelle, pour les enseignants-chercheurs de l’UGA et pour les étudiants, le distanciel n’apparaît pas paré de tous ces charmes qui en feraient une nouvelle voie. En confinement, la continuité de service a été un leurre, et a posé pour tous, enseignants et étudiants, des difficultés considérables. On pourra sans doute, à la lumière de cette expérience rude, tirer des enseignements, négatifs et positifs, sur les moyens de travail, sur les organisations du temps, sur les outils pédagogiques. Mais ces leçons, loin d’être une « nouvelle voie », devront être tirées collectivement par les enseignants-chercheurs, les équipes pédagogiques, et certainement pas assénées à l’emporte-pièce par le directeur des services dans un discours réducteur, simpliste, mal informé et extrêmement dangereux, puisqu’il peut ouvrir la voie à une politique de réduction des coûts de personnel et de locaux, une « nouvelle voie » qui est tout sauf réjouissante.
  • Non, Joris Benelle, pour les chercheurs et les jeunes chercheurs en formation, le distanciel n’a rien d’une nouveauté, ni d’une panacée. Une avancée majeure des trente dernières années a été la constitution progressive d’équipes, de laboratoires qui ont constamment mis en avant la vie collective, les lieux de regroupement et d’échanges, les processus de présentiel qui sont l’essence-même du processus de création et de réflexion collective. Dans ce processus, insérer les doctorants et les « masterisants » dans l’espace commun est un enjeu majeur, qui impose de limiter largement … le « distanciel » !
  • Non, Joris Benelle, pour les personnels techniques et administratifs, le distanciel n’est pas une nouvelle voie. Le télétravail existe, il pénètre lentement les structures, il a ses limites qui sont d’ailleurs largement imposées par les directions des services et des laboratoires, et il y a fort à parier que vous seriez le premier à vous opposer à des demandes massives d’adaptation des horaires et à leur opposer des contraintes pas si éloignées de celles qui ont lieu actuellement.
  • Non, Joris Benelle, pour les étudiants, l’offre à distance n’est pas une nouvelle voie mais d’abord la manifestation de la réalité de la fracture numérique, alors que l’UGA n’est pas en capacité de prendre en compte, dans ses décisions, les résultats des enquêtes qu'elle a elle-même réalisées (1) sur les outils dont ils disposent et les conditions dans lesquelles ils travaillent, ni de répondre dans les temps à leurs besoins, ce qui s’est traduit par une forte inégalité d’accès aux enseignements et par de fortes pressions sur des collègues qui ont tenté d’assurer un suivi par téléphone en plus des cours qu’ils dispensaient en ligne. Pas plus d’ailleurs que l’UGA n’est en mesure d’évaluer comme il se doit le coût de l’adaptation des postes de travail pour tous les personnels en « distanciel » !
  • Non, Joris Benelle, nous ne pensons pas que le « distanciel » et l’augmentation des flux numériques sont une « démarche écologique » alors que cela suscite une augmentation inquiétante et dénoncée de longue date de l’utilisation de minerais rares et d’électricité, la concentration dans des « data centers » aux risques mal évalués, des conditions de travail souvent peu ergonomiques et d’inquiétantes suprématies de grands groupes en situation de maîtrise toujours plus importante de nos vies et de nos conditions de travail. Il nous semble au contraire que l'échange, social, intellectuel, pour le plaisir est un enjeu fondamental de l'Université, une nécessité pour tous. Affirmer que le « distanciel » est une nouvelle voie est une affirmation mensongère et dangereuse, ouvrant la porte d’un enseignement au rabais (le "distanciel" s'accompagnant souvent, on le sait bien, d'une réduction ... du "présentiel" !). Il y a certainement une nouvelle voie à (ré)inventer dans l’université. Ce n’est pas celle du « distanciel », mais celle de la remise en l’état d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche libre, réellement ouvert aux étudiants, avec les moyens de les accueillir et de les accompagner comme il se doit, et de rouvrir les portes et les fenêtres d’un enseignement et d’une recherche libres, audacieux et collectifs.

La section syndicale FSU de l’UGA, regroupant enseignants, chercheurs et personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs et techniques.

Réponse publiée dans le Dauphiné Libéré.

(1) La Direction de la Vie Etudiante de l'UGA a mené une enquête à destination de tous les étudiant·e·s de l'UGA, celle-ci révèle les conditions très difficiles des étudiant·e·s confiné.e.s.