I. Retour sur les élections passées

I.1 L'élection du/de la président.e de l'UGA

Les élections du printemps ont été particulièrement disputées avec deux listes soutenant deux équipes de gouvernance différentes (en plus des listes syndicales).

Les statuts de l'UGA, dérogatoires aux statuts universitaires (l'UGA n'est plus une université mais un grand établissement depuis le 1er janvier 2024), organisent la gouvernance de l'UGA avec de multiples élections à plusieurs niveaux. Les collèges des électeurs des conseils centraux (Conseil d'Administration (CA) et Conseil Académique (CAc), qui comporte la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU) et la Commission Recherche (CR)) sont assez larges puisqu'ils comportent le personnel de l'UGA grand établissement (i.e. en incluant les trois établissements composantes), les étudiants, mais aussi le personnel hébergé à l'UGA (comme le personnel CNRS par exemple). Ces électeurs et électrices, réparti·e·s dans des collèges différents, ont élu leurs représentant·e·s aux conseils centraux.

Très souvent, pour ces élections, se présentent des listes syndicales dont l'objectif est de faire en sorte que leurs idées soient prises en compte dans les décisions de l'établissement et une liste "présidence" qui soutient une équipe de direction souhaitant diriger l'UGA. C'est ce qu'on a observé à l'automne. Ce n'est pas une obligation : des syndicats peuvent avoir envie de proposer une équipe de gouvernance, ou plusieurs équipes de gouvernance peuvent se présenter. En l'occurrence, c'est ce qui s'est passé au printemps : deux listes non syndicales se sont présentées, soutenant explicitement M. Lakhnech pour l'une (liste Université d'Avenirs) et M. Protassov pour l'autre (liste UGA en Commun) comme candidats à la présidence de l'UGA.

On notera que les statuts font en sorte que les candidatures officielles à la présidence de l'UGA sont à déposer bien après le résultat des élections aux conseils centraux. Il est donc possible d'avoir des candidat·e·s à la présidence non connu·e·s lors des élections, et/ou non soutenu·e·s par une liste particulière. C'était le cas de M. Rocca qui s'est présenté à la présidence contre M. Lakhnech lors des élections de l'automne 2023. Quand les candidat·e·s sont connu·e·s officieusement, les diverses listes peuvent, ou pas, exprimer avant les élections quelle équipe présidentielle elles soutiendront ou elles combattront. Ainsi, la FSU (parmi d'autres) a explicitement exprimé son opposition à la réélection de M. Lakhnech à la tête de l'établissement.

Pour revenir au système mis en place par les statuts, les différents conseils sont complétés. En effet, ils sont constitués :

  • des élu·e·s issus des élections ;
  • mais aussi de membres nommés par des structures extérieures (collectivités territoriales, organismes de recherche, etc.) ;
  • et enfin de membres extérieurs proposés par les élu·e·s et élu·e·s par les deux catégories précédentes (élu·e·s et membres nommés).

Le nombre de personnes dans ces diverses catégories dépend du conseil. Il est à noter qu'au CA de l'UGA, par dérogation au code de l'éducation, le nombre de personnalités extérieures nommées a été augmenté, diminuant de fait le poids des voix des représentant·e·s du personnel et des usager·e·s.

Si l'on analyse en détail les résultats des votes du personnel et des usager·e·s (voir le billet La démocratie universitaire : une bonne blague ?), on s'aperçoit vite que les élu.es de listes s'étant déclarées ouvertement opposées à l'élection de M. Lakhnech comme président de l'UGA sont majoritaires. Mais, avec au moins 7 membres nommés sur 8 qui ont soutenu M. Lakhnech lors du vote du CA pour la présidence de l'UGA, l'expression des électeurs et électrices de l'UGA n'a pas été respectée et M. Lakhnech a été réélu de justesse président de l'UGA (après avoir réussi à faire élire 2 membres extérieurs le soutenant, là encore à une voix près et avec le soutien massif des membres nommés).

I.2 La désignation des Vice-Présidences

Une fois le président élu, ce dernier doit ensuite faire élire des personnes aux postes de vice-présidence. Ce sont des postes qui conduisent la politique de l'établissement. Les conseils doivent proposer et surtout valider les orientations politiques mais la préparation et l'exécution de celles-ci est assurée par les VP. Ce sont donc des postes avec un pouvoir important, et il est assez logique qu'ils soient soumis à validation par un vote des conseils. Quand il n'y a qu'une seule équipe de direction qui se propose, ou quand le président est élu avec un large soutien, l'élection des vice-présidences ne pose pas de difficultés. Mais, cette fois ci, ce n'est pas le cas.

Statutairement, tous les VP doivent être proposé·e·s par le président, à l'exception du/de la VP étudiant·e (voir ci-dessous), mais ils doivent être élus par un conseil.

À l'UGA, la plupart des VP fonctionnel·le·s sont élu.es par le CA. Lors du CA suivant son élection, le président a donc proposé une liste de noms pour les différentes vice-présidences. Certaines vice-présidences sont statutaires (i.e. apparaissent dans les statuts avec la description de leurs missions), d'autres sont proposées par le président (certaines sont assez classiques, d'autres permettent par exemple de développer un axe particulier en profondeur). Les VP présenté·e·s au CA ont toutes et tous été validé·e·s mais en étant très loin de faire l'unanimité. La courte majorité du président au CA lui a toutefois permis de passer cette étape.

À noter que rien n'empêche une personne d'être élue à plusieurs vice-présidences différentes. Ainsi, M. Lakhnech a proposé, et fait élire, une même personne pour les vice-présidences du conseil d'administration, des finances, du patrimoine et des systèmes d'information ! La FSU considère que chacune de ces quatre vice-présidences nécessiterait une personne à temps plein et que le cumul de ces quatre mandats n'est pas une situation permettant un travail correct sur le long terme, mais une majorité du CA n'a pas suivi.

À côté de ces vice-présidences validées par le CA, quatre autres vice-présidences statutaires sont validées par d'autres conseils :

  • la vice-présidence de la commission vie étudiante (CVE) ; il s'agit d'un·e étudiant·e élu·e par les membres du conseil académique et, contrairement à toutes les autres vice-présidences, ce n'est pas le président qui propose un nom, mais les listes étudiantes ayant obtenu des élu·e·s qui proposent des candidat·e·s ;
  • la vice-présidence de la commission recherche (CR), élue par les membres de cette commission ;
  • la vice-présidence de la commission formation et vie universitaire (CFVU), élue par les membres de cette commission ;
  • la vice-présidence du conseil académique (CAc), élue par les membres de ce conseil (qui est la réunion de la CR et de la CFVU).

Le VP CFVU a bien été élu, mais du fait d'une opposition majoritaire en CR et en CAc, la VP CAc et le VP recherche proposés par M. Lakhnech n'ont pas été élus. L'UGA n'a pas à ce jour de VP CAc ni de VP recherche.

II. Pourquoi l'UGA est-elle, actuellement, partiellement bloquée dans son fonctionnement ?

II.1 Une description de la situation actuelle

Les statuts de l'UGA précisent (article 46) : Le président du conseil académique préside la formation plénière dudit conseil. ... Le président du conseil académique préside également la commission de la formation et de la vie universitaire ainsi que la commission de la recherche sachant qu’il peut déléguer aux vice-présidents respectifs de chacune des dites commissions le pouvoir de présider la commission par laquelle ils ont été élus.

C'est le/la VP CAc qui préside le CAc plénier, la CR et la CFVU (même s'elle/il délègue souvent la présidence de chacune de ces commissions à son VP respectif). En l'absence de VP CAc, il est impossible de réunir le CAc, la CR ou la CFVU (même si un VP CFVU a été élu). Il est par contre possible de réunir les formations restreintes de ces conseils (limitées aux enseignants chercheurs de rang A et B) car ces formations restreintes sont présidées par le président de l'UGA (et pas par le VP CAc). Ceci a permis de valider les COS et les résultats des concours de recrutement pour cette année.

Néanmoins, l'absence de VP CAc qui conditionne la tenue des conseils (CAC plénier, CFVU et CR) a des conséquences qui vont se faire de plus en plus sentir pour l'établissement, comme :

  • l'impossibilité de distribuer le budget de la contribution vie étudiante et campus (CVEC), un budget crucial pour les étudiants,
  • l'impossibilité de préparer la campagne d'emplois (i.e. les postes que l'on désire ouvrir aux concours l'an prochain),
  • l'impossibilité de voter les règlements des études et modalités de contrôle des connaissances et compétences (MCCC) à appliquer pendant l'année universitaire prochaine ;
  • l'impossibilité de lancer des appels à projets
  • l'impossibilité d'évaluer les nouvelles directions de laboratoires
  • etc.

Il est donc crucial de trouver une solution.

II.2 Pourquoi le président ou le VP CA ne peuvent-ils pas "faire office de", en attendant ?

C'est une très bonne question dont la réponse provient probablement de la construction même de l'UGA. Dans de nombreux établissements, les statuts ne prévoient pas un tel blocage.

Lors de la construction de l'UGA à partir de la fusion des trois universités grenobloises, les statuts dérogatoires au code de l'éducation ont organisé une séparation nette entre la présidence du CAc et la présidence de l'établissement, chacune dotée de prérogatives distinctes. On trouve ainsi dans les statuts (article 46 encore) : Les fonctions de président du conseil académique et de président de l’UGA sont incompatibles. ... Si le président de l’UGA relève des grands secteurs « sciences et technologie » ou « disciplines de santé », la personne proposée pour exercer les fonctions de président du conseil académique doit relever des grands secteurs « disciplines juridiques, économiques et de gestion » ou « lettres et sciences humaines et sociales ». Inversement, si le président de l’UGA relève des grands secteurs « disciplines juridiques, économiques et de gestion » ou « lettres et sciences humaines et sociales », la personne proposée pour exercer les fonctions de président du conseil académique doit relever des grands secteurs « sciences et technologie » ou « disciplines de santé ». ... Et les articles 48, 50 et 51 précisent les compétences de la CR, de la CFVU et du CAc, conseils présidés par le VP CAc comme on l'a vu.

Cela se comprend historiquement. Lors de la fusion, cette séparation des pouvoirs et des compétences a été décidée pour éviter qu'une des trois universités (sous-entendu l'UJF) ne "prenne la main" sur les deux autres (l'Université Stendhal et l'UPMF, Université Pierre Mendes France). Lorsque l'UGA a été créée en 2016, deux des anciens présidents avaient prévu (sous réserve que les élections se passent bien) que l'ancienne présidente de Stendhal (Mme Dumasy) prenne la présidence de l'UGA et que l'ancien président de l'UJF (M. Lévy) prenne celle du CAc. Cela a bien été fait. Il avait été aussi annoncé qu'au bout de deux ans, ils échangeraient leur place, Mme. Dumasy démissionnant de la présidence de l'UGA, ce qui entraînerait automatiquement la fin du mandat du président du CAc. Tout était organisé par les statuts (article 46 encore) : Le mandat du président du conseil académique prend fin lors de l’élection d’un nouveau président de l’UGA ou lors du renouvellement complet du conseil académique. Et, effectivement, en janvier 2018, après la démission de Mme Dumasy, M. Lévy est devenu président de l'UGA et Mme Dumasy présidente du CAc.

On peut noter, ça sera utile plus tard, que la démission du président et ses conséquences sont prévues par les statuts. Dans ce cas, comme en 2018, les conseils restent en place. Il faut "juste" réélire un président de l'UGA (par le CA) et un président du CAc (par le CAc sur proposition du président). Le nouveau président peut aussi, s'il le souhaite, faire réélire de nouveaux VPs pour les autres vice-présidences. Le changement de président peut donc se faire assez vite (contrairement à l'organisation d'élections pour les conseils centraux).

III. Et maintenant ?

III.1. Les solutions de sortie de crise institutionnelle envisageables

Comme on l'a vu, l'absence de président ou présidente de CAc va vite devenir un point bloquant crucial pour l'établissement. Pour sortir de cette situation, plusieurs scenarii sont envisageables (certains étant moins probables que d'autres).

  1. Le président peut continuer à ne présenter comme VP CAc et VP Recherche que des candidat·e·s issu·e·s de son équipe. Soit en refaisant la même proposition (personnes et programme) qui a été initialement refusée, soit avec quelques variantes (changement de personnes et/ou modifications plus ou moins importantes du programme). Cela supposerait que le président estime que certaines listes pourraient renier le mandat de leurs électeurs et électrices et accepter de le soutenir (le président) pour débloquer la situation.
  2. Le président pourrait proposer une autre candidature (avec un tout autre programme) que celle qu'il a initialement espérée. On pourrait ainsi imaginer que le président demande des noms de candidats ou candidates à ces postes aux listes qui s'opposaient à lui. Dans l'hypothèse où cette candidature serait validée par les conseils, on serait alors dans une sorte de "cohabitation", le président de l'UGA et le président ou la présidente du CAc et la ou le VP Recherche ayant chacune ou chacun leurs prérogatives telles qu'énoncées dans les statuts et devant coopérer sur les domaines frontières. Évidemment, il est probable que les personnes proposées par une liste adverse ne soient pas des personnes avec lesquelles le président ait envie de travailler. Mais, pour tenter un parallèle, il est douteux qu'en 1986, M. Mitterrand ait eu envie de travailler avec M. Chirac, et pourtant ils l'ont fait...
  3. Enfin, le président pourrait acter qu'il ne peut pas faire fonctionner l'établissement et, de manière responsable, démissionnerait. Comme vu plus haut, les statuts ont prévu ce cas de figure. Seule l'élection du président (et des VPs) serait à refaire. Les conseils centraux resteraient en place. Il faudrait alors espérer que leurs membres extérieurs acceptent le choix des usagers et personnels.

III.2. quelques réflexions sur les futurs possibles.

Suite au refus par le CAc des premiers candidats proposés par M. Lakhnech, le 5 juillet, la liste "UGA en Commun" a envoyé au président une lettre ouverte lui demandant de proposer au CAc et à la CR des candidat.es issus de leur rang. La démarche s'inscrit dans l'idée de l'installation d'une "cohabitation" : les majorités ne sont pas les mêmes au CA et au CAc, comme vu précédemment, les statuts dérogatoires de l'UGA organisent clairement deux pôles de pouvoir, une cohabitation semble naturelle dans ce contexte.

Cependant, la réponse officielle de M. Lakhnech à UGA en Commun montre clairement que M. Lakhnech n'a pas cette analyse de la situation. Le président indique dans sa lettre Or, une université ne peut être dirigée que par une seule équipe soudée, dont les membres partagent une vision et des valeurs communes. Ses membres ont fait le choix de s’inscrire pleinement dans le projet porté par le président et sont placés sous son autorité. Ceci signifie visiblement que le programme à appliquer aux vice-présidences CAC et Recherche serait forcément le sien (puisqu'il devrait s'inscrire pleinement dans son projet) et que les vice-présidents n'ont aucune liberté d'action (puisqu'il seraient sous son autorité). Ainsi, le président nie la séparation des pouvoirs du CA et du CAC, ainsi que les prérogatives propres des vice-présidents, qui sont pourtant inscrits dans les statuts de l'UGA.

Lors d'une rencontre avec les organisations syndicales, le Président a évoqué la possibilité de faire évoluer (un peu ?) son programme pour le CAc en discutant avec les listes qui le souhaitaient. Mais dix jours après la réunion, à la veille de la fermeture de l'établissement, aucune démarche en ce sens ne semble avoir été entamée, en tout cas, la FSU n'a reçu aucune proposition de rencontre à ce jour.

En outre, un programme amendé avec des candidat·e·s choisi·e·s par M. Lakhnech (solution 1 ci-dessus) suppose que des élu·e·s soient suffisamment convaincus par les changements proposés pour qu'ils modifient leur vote, à rebours du mandat de leurs électeurs et électrices. Or, force est de constater qu'à part quelques belles paroles et quelques promesses de co-construction, les actes tardent.

La FSU, avec d'autres listes dont UGA en Commun, travaille à finaliser une proposition alternative à celle présentée initialement par M. Lakhnech pour le CAc et la CR avec (à la fois) un programme conforme aux valeurs que nous défendons depuis de nombreuses années (et plus en accord avec le résultat des élections, qui ne va pas en faveur de la politique que M. Lakhnech souhaite conduire, sans quoi ses candidat·e·s VP CAC et VP recherche auraient été élu.es) porté par une liste de personnes motivées pour défendre et mettre en œuvre ce programme, dans le cadre des prérogatives du CAC et de la CR. Évidemment, comme dans toute "cohabitation", il sera nécessaire que cette équipe dialogue et parvienne à des compromis avec l'équipe dirigée par M. Lakhnech. Le CAc devra, lui aussi, trouver des compromis avec le CA pour fonctionner.

Mais ceci suppose en premier lieu que M. Lakhnech accepte qu'il n'a pas la majorité au second pôle de pouvoir de l'UGA et qu'une cohabitation doive se mettre en place. Cela ne semble pas être le cas à la lecture de sa réponse à UGA en commun, puisqu'il considère que tou·te·s les VP sont sous son autorité (sic) et qu'il semble vouloir que le programme pour la VP CAC et VP soit, en réalité, le sien.

En résumé

les statuts dérogatoires ont permis à M. Lakhnech d'être élu président de l'UGA (i.e. avec l'appui massif des extérieurs en surnombre par rapport au code de l'éducation), mais ces mêmes statuts séparent les rôles du président de l'UGA et du président du CAc (là encore, par dérogation au code de l'éducation). Le président n'ayant pas de majorité au CAc, il doit accepter cette séparation des pouvoirs. À nos yeux, le président devrait mettre en place une cohabitation ou démissionner, et éviter (ne surtout pas) de chercher à imposer sa politique et ses VPs là où il n'a pas la majorité. Et, peut-être, vaudrait-il mieux pour les universitaires grenoblois que leur établissement redevienne une université, en supprimant toutes ses dérogations au code de l'éducation qui semblent faire plus de mal que de bien ?