Madame la Présidente, Monsieur le Président,

vous serait-il possible de préciser votre conception de l’éthique en matière d’évaluation scientifique ?

La question est d’une actualité brûlante, car le processus d’évaluation des réponses à l’appel à projets « Cross Disciplinary Program 2017 » (CDP2017) devrait se clore d'ici fin 2017.

Monsieur le Président, le rôle (1) que vous avez joué dans l’édition 2016 de ce même programme (CDP2016), puis les explications que vous avez données de ce rôle devant plusieurs commissions (2) ont créé un précédent qui semble contradictoire avec les recommandations de multiples chartes auxquelles adhèrent nos établissements, et surtout avec le « Code de conduite » (également appelée « Charte déontologie »)adopté par le Conseil Académique (CAC) de la COMUE en 2016.

Dans la section « Engagement des membres de la ComEx », on y lit en effet : « En ma qualité de membre de la commission exécutive Recherche et Valorisation (ComEX R&V) de l’IDEX, je m’engage à :

- m’abstenir d’examiner toute proposition de projet pour laquelle je me trouverais en confit d’intérêts réel ou apparent ;

- m’abstenir d’examiner toute proposition de projet soumise notamment par des chercheurs ou enseignants-chercheurs de mon environnement immédiat, des chercheurs ou enseignants-chercheurs avec lesquels j’ai collaboré ou publié au cours des cinq dernières années, … ».

Or, vous avez examiné un projet soumis par le Directeur de l’Unité à laquelle vous êtes rattaché, avec lequel vous avez publié plus de 100 fois au cours des 5 dernières années, et vous avez affirmé devant toutes les commissions citées précédemment que « les règles fixées par la COMUE avaient été respectées » et que « la charte de non-confit d’intérêt discutée et votée en CAC a été respectée ».

Madame la Présidente, de votre côté, lors du CAC de l’UGA du 13 février 2017, vous avez affirmé « le respect et l’observation des règles » et « n’avoir relevé aucune irrégularité qui mettrait en danger l’objectivité de la sélection », et « redit que les règles écrites ont été respectées ».

Comment résolvez-vous la contradiction entre les principes fixés dans le « code de conduite » de la COMUE évoqué plus haut et le rôle du Président de la COMUE dans le processus de sélection des projets du CDP2016, puis vos prises de position devant les commissions officielles de nos établissements ? Quelle sera la règle qui s’appliquera lors du processus de sélection du CDP2017 ? Celle qu’impose ce « code de conduite », ou celle créée par le précédent issu de vos prises de position ?

Selon vos statistiques, près de 1500 collègues (soit 39% des effectifs du site de la COMUE Université Grenoble Alpes) étaient impliqués dans les réponses au CDP2016. On peut espérer qu’il y en aura autant dans les réponses au CDP2017. Tous ces collègues, et plus généralement tous les porteurs de projets scientifiques au sein de la COMUE UGA, ont droit aux garanties qui s’imposent en matière de respect des règles éthiques applicables à l’évaluation scientifique, au premier rang desquelles la garantie du respect du principe d’impartialité.

Vos réponses aux interrogations de cette lettre ouverte sont donc essentielles pour rassurer notre communauté.

Veuillez agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.

  • Elisabeth Greslou, co-secrétaire de la section SNASUB-FSU de l’université Grenoble Alpes
  • Jean-Luc Schwartz, co-secrétaire de la section SNCS-FSU Grenoble-campus
  • Bérangère Philippon, secrétaire de la section SNEP-FSU de l’université Grenoble Alpes
  • Claudine Kahane, secrétaire de la section SNESUP-FSU de l’université Grenoble Alpes


(1) Quelques éléments du rôle joué par le Président de la COMUE lors du processus d’évaluation des réponses à l’appel à projet CDP2016 sont donnés ci-après.

(2) Comité de Pilotage de l’IDEX du 19 décembre 2016, Commission Recherche du Conseil Académique (CAC) de la COMUE du 25 janvier 2017, CAC de la COMUE du 13 février 2017

Annexe : Quelques éléments concernant le rôle joué par le Président de la COMUE lors du processus d’évaluation des réponses à l’appel à projet CDP2016

9 décembre 2016 : participation à un vote déterminant, au sein de la commission de sélection des projets présentés en réponse à l’appel CDP2016 (les règles de composition de cette instance ne prévoyaient pas la présence du Président). Les résultats de ce vote ont conduit cette commission à recommander la labellisation du projet LIFE. Le projet LIFE est porté par un Enseignant-Chercheur qui est certainement l’un des très proches collègues du Président, sinon son plus proche collègue (selon Web of Science, ils publient ensemble depuis 1987, ils ont plus de 100 publications communes dans les 5 dernières années, le porteur de LIFE est le Directeur de l’Unité à laquelle est rattaché le Président, et son successeur à ce poste). Le compte rendu de cette commission ne fait apparaître aucune mention par le Président d’un quelconque confit d’intérêt.

19 décembre 2016 : le Président préside le Comité de Pilotage (COPIL) de l’IDEX , qui suit la recommandation de la commission de sélection. Le projet LIFE est labellisé et se voit allouer 1.7 M€ pour 4 ans. Interpellé par le Président, le COPIL valide a posteriori « la participation du porteur de l’IDEX aux votes sur les projets stratégiques du type CDP ». Le COPIL « constate qu’en l’occurrence les règles ont été respectées. Il s’interroge sur la nécessité et la possibilité de prendre en compte les co-publications, une règle dont la faisabilité reste à démontrer. » Le compte rendu ne fait pas apparaître que le COPIL ait été appelé à se prononcer sur la compatibilité du code de conduite de l’IDEX avec le fait que le Président ait participé à un vote concernant le projet LIFE.