Le fait est que cet agent avait effectué 38,5h eq TD de trop sur l'année universitaire 2012-2013. Plutôt que de demander le paiement de ces heures en heures complémentaires, l'agent s'est entendu avec sa composante pour reporter ces heures sur son service de l'année suivante. En pratique, ça arrange souvent tout le monde : l'université n'a pas à payer d'heures complémentaires et l'agent peut lisser son service : c'est souvent difficile de faire exactement 192h eq TD chaque année.

Note digressive : les heures faites au delà du service sont bien des heures complémentaires et pas supplémentaires. Les heures supplémentaires n'existent pas dans le supérieur. Ça permet ainsi de payer les heures complémentaires à un tarif défiant toute concurrence, environ 10 EUR par heure de travail.

Lors de l'année 2013-2014, cet agent a fait 152,5h eq TD de service entre le 1er septembre 2013 et le 16 janvier 2014. C'est assez classique comme situation : la période couvre le premier semestre (étymologiquement 6 mois, en pratique 4 mois dans l'enseignement supérieur surtout depuis le passage au LDM, soit autant qu'un trimestre dans le secondaire...) En outre, il est assez classique d'avoir plus d'heures avec les étudiants au premier semestre (stages au second semestre). Les semestres d'enseignement des enseignants chercheurs sont rarement équilibrés.

Résultat, à la date de son début de congé maladie, l'université a considéré qu'elle avait fait 38,5+152,5=191h eq TD de service. Il lui restait 1h eq TD qui a été couverte par son arrêt maladie de 7 mois et demi ! C'est un exemple réel de la situation numéro 4 de la circulaire ministérielle (page 16).

En pratique

Nous allons demander à l'UJF de payer au minimum les 38,5h eq TD en heures complémentaires (ce que l'agent aurait pu exiger l'année précédente). Ses 7 mois et demi d'arrêt maladie lui vaudraient alors une réduction de service de 39,5h eq TD...

Considérations générales

Cet exemple réel nous montre à quel point la circulaire permet d'arnaquer les enseignants du supérieur. En effet, du fait de la répartition globale de l'année universitaire, le service est presque toujours fait en avance par rapport à la période de l'année. Comme dit précédemment, le premier "semestre" dure les quatre premiers mois et, du fait des stages dans les formations, concentre plus d'heures de formation que le second.

Cela signifie que, vers la fin des cours (i.e. au printemps), beaucoup d'enseignants ont fini leurs heures de présence devant les étudiants. Il reste bien sûr tout le reste du travail pédagogique (jurys, sujets d'examens, correction de copies, préparation des prochains cours, ...) et, pour les enseignants chercheurs, le travail de recherche qui a été mis au ralenti pendant les périodes intensives d'enseignement. Si un enseignant chercheur a un arrêt maladie dans le dernier tiers de l'année universitaire, il n'aura droit à (pratiquement) aucune réduction de service. Tant pis pour lui. Il devra prendre sur lui pour préparer ses cours, faire les sujets d'examens et corrections de copies, et, fatalement, faire moins de recherche (pratiquement le seul aspect de son travail qui permet un avancement dans sa carrière).

Moralité

Pour ne pas se faire avoir en cas d'arrêt de travail :

  • il faut éviter de reporter des heures complémentaires sur le service de l'année d'après (même si l'université préfère cela pour ses finances)
  • il faut essayer de tomber malade au premier semestre (quand le service n'est pas encore fait)
  • il faut essayer de placer son service le plus tard possible dans l'année universitaire. Mais on sera toujours coincé pour juillet (où les heures de présence sont déjà faites a priori). Août est classiquement fermé pour beaucoup d'universités et, donc, ne donnerait aucun droit de réduction de service dans tous les cas.

Dans le cas contraire, l'enseignant chercheur n'a pas sa charge de travail correctement compensée en cas d'arrêt de travail. Comme quoi l'État arrive à faire (pas mal) d'économies sur le dos des employés même sans parler de jour de carence... Un arrêt de travail en fin d'année universitaire devient une sanction pour l'enseignant chercheur : peu/pas de réduction de service et un travail de recherche (qui conditionne son avancement) de fait réduit (par l'arrêt de travail, normal, mais aussi par le surplus des tâches d'enseignement non compensées).

Cela dit, même si on ne veut pas revenir sur la phrase de la circulaire Cependant, il ne saurait y avoir payement d'heures complémentaires non effectuées. qui peut paraître raisonnable, on aurait très bien pu imaginer que la réduction de service s'applique au prochain service dû (i.e. de l'année suivante). Ainsi, dans le cas de l'agent qui a motivé cet article, cela signifie qu'il aurait pu avoir moins de service l'année suivante, donc plus de temps pour la recherche qu'il n'a pas pu faire de septembre 2013 à mi-janvier 2014 (où il a fait tout son enseignement) ni ensuite jusqu'à août 2014 (où il était en arrêt de travail).

Épilogue

Le directeur de l'UFR concerné a accepté de reporter les heures au delà du service de 2012-2013 sur 2014-2015. Cela fera donc en définitive une réduction de service de 39,5h eq TD pour 7 mois et demi d'arrêt de travail.