Les « programmes et équipements prioritaires de recherche », PEPR le nouvel outil de pilotage de la Recherche.
Par FSU-Univ-Grenoble le lundi 24 octobre 2022, 15:25 - Politique Nationale - Lien permanent
Avec la fin des Labex, sans qu’un réel bilan en soit fait d’ailleurs, il fallait bien se poser la question d’un nouvel outil de pilotage, ce dernier étant dans l’ADN des gouvernements successifs. Les PEPR dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir apportent cette réponse. Les PEPR sont de deux types : les PEPR des stratégies nationales et les PEPR exploratoires. Pour faire court, les premiers ont une visée applicative affirmée avec une forte implication des industriels. Les seconds relèvent de la recherche fondamentale, même si le mot est tabou, on parle plutôt d’applications hypothétiques ou espérées. La nuance sémantique a son importance.
À ce jour, il y a 10 PEPR des stratégies nationales pour un montant total de 702 M€ et 17 PEPR exploratoires pour 800M€ [1,2], les chiffres évoluant au fil des appels à manifestation [3]. Les financements sont importants et c’est donc un outil puissant pour les thématiques retenues. Éléments d’analyse : Les choix de ces thématiques sont peu transparents. Ils sont clairement assumés pour les stratégies nationales, même s’ils ne relèvent pas d’une expression démocratique, malgré des attentes économiques, sociétales, sanitaires ou environnementales. Le lobbying est amplifié par les enjeux et les implications industriels. Cette dynamique pose une fois de plus la question de l’indépendance des recherches effectuées dans un tel cadre partenarial. Les PEPR exploratoires sont plus ouverts, mais leur transparence reposera uniquement sur la vertu des communautés concernées. On peut cependant se réjouir du retour à une vision nationale qui peut théoriquement éviter l’éparpillement des ressources et un carcan local mandarinal. La coordination interministérielle des PEPR vise à fluidifier les liens entre acteurs académiques et industriels, mais elle n’est pas exempte de conflits technocratiques pour défendre son pré carré. Cette apparente fluidité politique est rapidement douchée par la mainmise de l’ANR qui garde la gestion financière des PEPR et impose donc sa lourdeur administrative au plus près des acteurs de la recherche. En tout état de cause, la mise en musique dans les laboratoires ne fera qu’amplifier le clivage entre les équipes privilégiées et les autres. Les maigres ressources restantes seront vite aspirées sur les thématiques prioritaires sans qu’on en comprenne les enjeux scientifiques ou sociétaux. Sans surprise, et c’est la façon la plus certaine d’hypothéquer l’avenir de la recherche, l’afflux d’argent s’accompagnera d’une nouvelle vague de précarisation pour les plus jeunes au dépens de l’emploi pérenne et donc d’une vision à long terme. Les organismes de recherche s’illusionnent quand ils pensent échapper au rôle « d’agences de moyens » en présentant leur rôle dans les PEPR comme ceux d’«agences de programme et d’orientation » : ils ne font ici que la gestion des ressources humaines des projets lauréats.
Pour aller plus loin : https://sncs.fr/portfolio/pepr-une-reelle-relance-pour-la-recherche-publique/ PEPR: une réelle relance pour la recherche publique ? (VRS, vol 429, page 14)
Références :