La théorie : La mécanique du pilotage de la recherche grenobloise en 2016


D’abord quelques explications aussi factuelles que possible sur les circuits de financement et de décision. Explications qui peuvent sembler nécessaire, car à peu près personne sur le site actuellement (à part les dirigeants bien sûr) n’a une vision claire de ces circuits. L’intégralité des appels à projets recherche de la COMUE UGA et des établissements membres est maintenant coordonnée par l’IDEX. Les contributions provenant des établissements universitaires et des abondements attendus de l’IDEX, sont regroupés dans une enveloppe de 13 M€[1] pour 2016, montant non encore connu pour 2017.

Ce budget devrait être réparti en quatre enveloppes :
  • CDP - « Cross Disciplinary Programs » : objectif de lancement de gros projets structurants et interdisciplinaires (d’excellence, cela va sans dire), typiquement financés pour 0.3 à 0.5 M€ par an sur 4 ans, en deux vagues (2016 et 2017), pour un montant espéré global de 18 M€, et avec un financement attendu en 2016 de 4 M€ (4.5 M€ en 2017). Prime annoncée aux « projets à l’interface des Sciences, Technologies et Santé d’une part et les Sciences Humaines et Sociales d’autre part ».
  • IRS – « Initiative Recherche Stratégique ». Les successeurs des projets AGIR, projets gérés au sein des pôles, organisés probablement autours d’items communs, chaires seniors (pour « l’accompagnement de recrutement de chercheurs et enseignants-chercheurs renommés ou à fort potentiel de reconnaissance »), chaires juniors pour attirer sur le site de « jeunes chercheurs pourraient être de futurs candidats à des postes de chercheurs ou d'enseignants-chercheurs sur le site », projets structurants avec notamment financement d’allocations de recherche ou de post-docs, projets exploratoires. 4M€ pour l’appel de sept 2016, répartis entre les pôles PEM 1M€, MSTIC 750k€, CBS 750k€, SHS2 500k€, PAGE 500k€, SHS2 500k€.
  • Graduate school, montant 2016 prévu 1.3 M€
  • Equipement, montant 2016 prévu 1.3 M€[2]
Ce cadre global a été décidé par la COMEX[3] , Commission Exécutive Recherche et Valorisation de l’IDEX, la structure qui maintenant pilote l’ensemble de la recherche du site.
  • Cette structure ne figure pas – pour l’instant – dans les règlements intérieurs de la COMUE. Elle apparaît de manière très succincte dans le règlement de l’Idex (disponible en ligne sur l’intranet de la COMUE). Elle regroupe les VP recherche UGA et Grenoble INP, les représentants des directions des organismes de recherche présents sur le site, et le directeur exécutif recherche et valorisation de l’IDEX.
  • Elle semble avoir largement remplacé les « COS » (Comités d’Orientation Stratégique) des pôles, statutaires, qui, selon le règlement intérieur de la COMUE, « rassemblent les représentants des établissements tutelles principales du pôle » et « définissent les grandes orientations du pôle et superviser ses instances », et qui, apparemment, se réuniront une fois par an avec le directeur de pôle.
  • La COMEX Recherche et Valorisation est régulièrement élargie aux directoires des 6 Pôles de recherche (réunions hebdomadaires). Ces réunions permettent de recueillir les suggestions de directoires des pôles (s'ils ont éventuellement eu le temps de consulter leur conseil), et de faire descendre vers les pôles les orientations décidées par la COMEX.
  • Les directoires des Pôles (élus par les conseils sur proposition du COS du pôle) mettent en application la politique de l’IDEX. Les Pôles doivent notamment proposer les définitions et orientations des appels à projets, organiser les processus d’évaluation pour décider des projets sélectionnés, piloter la réflexion sur les postes d’EC et de BIATSS, au carrefour des besoins des laboratoires et des UFR, faire des pré-arbitrages sur différents sujets comme les CRCT, les délégations, les professeurs invités (mais ne s’occupent ni des carrières des EC ni des ATER), travailler à l’animation, et la recherche de moyens propres pour le domaine considéré.
  • Les Conseils de Pôles – composés en grande partie d’élus : 24 élus et 6 nommés dans chaque conseil, les nommés l’étant sur proposition du conseil lui-même – doivent accompagner et valider tous ces processus, assistés d’un comité des directeurs des unités du pôle de recherche qui est une « instance de préparation et d’exécution de la politique du pôle » … la théorie, toujours la théorie ! Pour la pratique, nous y reviendrons plus loin.

Ainsi, globalement, une grande partie de la vie quotidienne des chercheurs et enseignants chercheurs du site se joue au sein des arbitrages du pôle de recherche concerné (bien évidemment, avant que la décision finale ne revienne aux conseils statutaires). En ce qui concerne cet enjeu majeur de la définition des postes d’EC et de la dotation de BIATSS, les conseils de pôle doivent établir « un ensemble de propositions argumentées permettant de faire concorder les profils enseignements et recherche ». Ces propositions sont ensuite soumises aux conseils de composantes.

Et les conseils statutaires, dans tout ça ? Ils sont évidemment dans leur rôle statutaire ! Les CAC des établissements universitaires sont consultés sur la politique recherche, la création de composantes, et sont, en formation restreinte aux enseignants-chercheurs, « l'organe compétent pour l'examen des questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs. Il statue par exemple sur la création des Comités de sélection, la titularisation des Maîtres de Conférences, les dossiers d'avancement, les demandes de détachement et de délégation. »

Quant au CAC de la COMUE … son rôle n’est pas défini dans le règlement intérieur de la COMUE ! Il a donc dû définir lui-même son rôle lors de sa première séance en mars 2016, et l’intranet de la COMUE précise qu’il « exerce un rôle consultatif sur les orientations en matière de politiques de recherche, valorisation et transfert, de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle et de documentation scientifique et technique ainsi que sur le contrat pluriannuel d’établissement et le contrat de site »…


La pratique : Tout est dans l’IDEX ! Risques, dérives et inquiétudes …


Le résumé des inquiétudes que génère le fonctionnement actuel du pilotage de la recherche sur le site tient en deux points majeurs :

  1. Tout va trop vite, et tout est entre trop peu de mains Globalement, le processus de pilotage de la recherche est à notre sens trop rapide (les différentes structures doivent gérer des calendriers trop courts) pour être efficace … sauf à être en réalité en grande partie piloté par la COMEX Recherche et Valorisation, regroupant un tout petit nombre de gens (en gros, les équipes présidence et leurs vice présidences recherche, et le directeur exécutif recherche et valorisation de l’IDEX).
  2. Un processus trop complexe et un pilotage par les indicateurs de « l’excellence » Contrairement aux demandes répétées des chercheurs et des directeurs d’unité, les appels à projet se multiplient, les moyens récurrents ne se renforcent pas, tout cela risque de générer des usines à gaz, des appels à projets à l’infini, avec rédaction de l’appel, rédaction de projets soumis, évaluation, décision, reporting … donc des risques de perte de temps collective considérable

Pour détailler la mécanique de ce fonctionnement aux multiples dérives potentielles :

  • Contraintes de temps très serrées, manque de temps pour travailler, processus qui génèrent des tensions fortes dans les laboratoires
  • Communication insuffisante : elle passe par les directions de Pôles (mais en réalité tout part de la COMEX Recherche et Valorisation), puis par la diffusion par les DUs qui doivent diffuser … et le font plus ou moins selon leur culture et leur disponibilité – malgré les demandes répétées, les directions de pôle et les membres élus des conseils ne disposent toujours pas de listes de diffusion à l’ensemble des membres d’un pôle
  • Les conseils de pôles sont informés a posteriori : ils ne disposent des compte-rendus de la COMEX recherche et valorisation que lorsqu’ils sont mis en ligne
  • La COMEX prend ses décisions seule : sur tous les points importants elle devrait s’appuyer sur un vote des conseils de pôle, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui
  • Le CAC de la COMUE n’est que très faiblement intégré au processus de décisions, sur les CDPs, les stratégies IRS, etc
  • L’articulation entre Conseils de Pôle et Comité des Directeurs d’Unité est délicate, la manière dont sont prises les décisions finales, ou la façon dont les messages du pôle sont passés au COS, n’est pas claire (pas de procédure explicite)

En résumé,

  • la COMEX est rapide, les pôles et leurs conseils sont lents,
  • les articulations entre structures sont parfois imprécises, voire définies nulle part (cas de l'articulation pôle/COMEX),
  • les décisions réelles sont peu partagées .

In fine, ces dérives risquent fort de faire retomber nos structures dans le piège du mandarinat, des choix inappropriés, peu représentatifs, voire même au bénéfice d'un périmètre de recherche et d'un nombre de personnes très limités.

Notes

[1] Tous ces chiffres ont été recueillis au cours d’échanges dans diverses instances ou réunions, et de – rares – documents publics finalisés. Ils sont sujets à caution, mais représentent ce que quelques chercheurs – le mot est juste ! – un peu coordonnés parviennent à comprendre en croisant au maximum leurs sources d’information.

[2] Nous n’avons à ce stade aucune information sur le contenu de ces enveloppes, ni sur l’écart entre le montant total de 13 M€ et la somme des différentes enveloppes composant ce montant

[3] Pour ceux qui ont lu l’excellent ouvrage d’Antoine Bello, « les falsificateurs », le COMEX était le Comité Exécutif du « Centre de Falsification du Réel » …